Katia Hervouet est architecte et, depuis 2009, agréée  » Concepteur européen de maisons passives « . Elle est issue de la première promotion de cette formation qui permet de construire dans toute l’Europe des maisons à très basse consommation, et de maîtriser soi-même tous les calculs thermiques.

Ce principe constructif “Passiv Hauss” a été élaboré par des architectes et des ingénieurs en Allemagne, depuis les années 80. Les industriels sont invités à développer des gammes de produits et de matériaux répondant au cahier des charges de cette association, qui les valide ou pas dans ses préconisations.
Deux éléments-clefs résument les enjeux pour obtenir le label « Passiv Hauss” :
– pas de système de chauffage conventionnel, c’est-à-dire que la maison être vivable sans radiateur, chaudière ou poêle à bois.
– une consommation maximale d’énergie de 15 kWh.ep.m2, contre 50 kwh pour la RT 2012 (Ces 15 kwh devraient conespondre à la future Réglementation Thermique, prévue pour 2020).

lntransigeante
Pour mettre en pratique ce niveau de performance sur un chantier, Katia Hervouet avoue “qu’il a fallu que je désapprenne pour réapprendre !” . Elle impose désormais un niveau d’exigence particulier aux entreprises. S’ils veulent pouvoir répondre à ses appels d’offre, Ies artisans et leurs ouvriers doivent suivre une formation de deux jours qu’elle dispense elle-même. Le premier jour, elle fait une présentation de la réglementation thermique et des contraintes particulières de la maison passive. Le deuxième jour, les artisans doivent réaliser des morceaux du bâtiment à l’échelle 1 pour découvrir les points délicats, comprendre les réponses qu’elle attend, et pourquoi elle sera intransigeante lors des travaux. Même les carreleurs, souvent peu concernés par l’étanchéité, doivent comprendre le processus
pour prendre soin de la membrane d’étanchéité, et savoir utiliser le kit de réparation toujours disponible sur le chantier. Quant aux électriciens, plus besoin de faire des saignées dans le plâtre ou le béton quand ils interviennent en fin de chantier classique et… détruisent le travail déjà fait. Désormais, les gaines sont intégrées lors de la fabrication des murs. Pour Katia Hervouet, c’est aussi un moyen de connaître tous les intervenants et de les appeler par leur prénom.

Respectueuse
“Avec la maison passive, on n’a pas le choix pour la qualité de I’isolation et de l’étanchéité à I’air car on n’a pas de chauffage !  » Et I’architecte de poursuivre sur le rôle de cette “sélection” , imposée aux artisans : “C’est un acquis de compétence, une phase pédagogique professionnelle et humaine qui montre I’impact du geste bien fait au quotidien, pour soi, mais aussi pour la société dans laquelle on vit “. Selon elle, I’architecte est le premier maillon de la chaîne. ll doit avoir de bonnes pratiques et revenir à I’essentiel, car il est responsable d’un bâti qui va lui survivre, s’inscrire pour 100 à 1 50 ans dans le paysage. “Mon geste doit être respectueux, car il faut mesurer l’impact sur la planète. Le coût total d’un bâtiment d’une durée de vie de 100 ans, c’est 20% pour Ia construction et 80 % pour l’usage. Plus il est déperditif en énergie, plus il coûte”.

Vertueuse
Katia Hervouet est intarissable sur cette démarche vertueuse : “La maison individuelle est au plus près des êtres humains, mais le quotidien d’une grande partie de la population, c’est un logement humide et inconfortable. ll créé de petites pathologies dans ce qui est pourtant notre zone de confort.”. “Je pense que la maison passive est la solution la plus aboutie aujourd’hui. Elle prend en compte les besoins physiologiques de I’humain pour bâtir une enveloppe protectrice, qui prend soin de ses occupants. Ce n’est pas comme la RT 2012 qui produit des calculs et met ensuite I’homme au milieu ! “. À la base, pour se protéger du froid ou du chaud, la solution est la même, il faut isoler et maîtriser l’étanchéité à l’air.
Si on isole très bien, on peut se passer d’un système conventionnel de chauffage. Mais, avec un impératif, le contrôle de la ventilation devient fondamental pour limiter les déperditions d’air non désirées. Parce qu’une isolation bien réalisée ne bouge pas, c’est la solution la plus économique et performante dans le temps.

Poétique
lci l’architecture répond à la demande des Maîtres d’0uvrage qui souhaitent avoir une maison lumineuse, en relation avec la nature, très peu consommatrice d’énergie. lls ont aussi des usages particuliers : elle sculpte et il bricole. Trois typologies d’espaces répondent à ces attentes : une partie chauffée, compacte et lumineuse, un espace atelier non chauffé, et un espace abrité qui s’ouvre et se ferme sur la nature. La parcelle est bordée de talus plantés d’arbres remarquables, inscrits au POS, doublée d’un fossé côté voirie. Ce dispositif naturel, qui matérialise une coupure importante entre la rue et le terrain, crée une poétique du lieu. La maison s’inspire de cette poétique, mélange de transparences, de vues voilées et d’accès interdits. Sur la rue, une façade coque donne forme au volume de I’habitation et marque la coupure ; une façade voilée donne de la transparence au bâti et présente des vues changeantes. Selon le bon vouloir de l’astre du jour, la maison se dévoile ou se referme. Vues voilées, espaces suggérés, l’imaginaire est sollicité. C’est la lumière qui fait vibrer la maison.

lntelligence partagée
“Un projet d’architecture, c’est une relation. Si le maître d’ouvrage ne veut pas bosser, on n’avance pas. ll faut de la matière grise” nous dit I’architecte. Mais le couple de jeunes retraités était motivé.
Si le mari s’était bien documenté sur la question avant de s’engager, madame doutait et voulait au moins installer un petit poêle d’appoint.
Refusé ! Dans cette maison sans chaudière, ni radiateur, ni poêle à bois, le chauffage provient à 60 % du rayonnement solaire à travers le vitrage, à 23%de la chaleur émise par les équipements électriques (four, TV, ordinateur, réfrigérateur, lave-linge…) et pour 18% du système de ventilation double flux complété par une petite pompe à chaleur. Passer l’aspirateur, fait monter la température ambiante de 0,2° a constaté le propriétaire. La puissance nécessaire pour chauffer le volume est de 990 W, soit la puissance d’un grille-pain, pour une surface de 120 m2.

Anti-déprime
Tous les jours, les propriétaires ont relevé la température au petit matin. C’est la période la plus défavorable en hiver, car les nuits sont froides et les appareils électroménagers ne fonctionnent pas. La baisse la plus importante enregistrée, après trois jours nuageux, était à 19,5°. Mais, dès que le soleil apparaît, même avec des températures extérieures très froides, on atteint rapidement les 22°. Pour ce couple de jeunes retraités, qui passe désormais plus de temps à son domicile, plus de problème d’articulation et d’anti-inflammatoires dans une maison sans humidité. Et une meilleure humeur, car la luminosité généreuse permet de lutter contre les petites déprimes hivernales.
Architecte t Katia Hervouet – Gouesnac’h (29)

AUTEUR : Christophe FAURE

REVUE : MAISON POSITIVE n°3

Les bons chiffres
La maison a couté 293 000 €TTC, honoraires d’architecte compris, pour 163 m2, dont 124 m2 chauffés, soit 1 800 € du m2. L’architecte avait estimé la consommation énergétique à 53 €, mais le résultat s’est avéré bien meilleur : 42 € par mois tous usages et abonnements confondus, dont 8 € pour le chauffage (La note dépassait les 100 € par mois dans la précédente maison des propriétaires). Ces chiffres ont été relevés sur la première année, entre avril 2014 et avril 2015.

Les recettes du succès
La construction met en œuvre une isolation thermique performante, des menuiseries triples vitrages, une ventilation double flux et une excellente étanchéité à l’air. La structure à ossature bois se compose de 300 mm d’isolant pour les parties verticales. 400 mm d’isolant pour les horizontales et 140 mm d’isolant pour celles en contact avec le sol.
Les besoins de chauffage de l’habitation sont de 8kwh/ m2.an et l’étanchéité à l’air de 0,19 h-1 à n50. Le surcoût d’une constructive passive est estimé à 10-12 % du prix.